mercredi 23 juillet 2014

5

J'avais conçu pour mon employeur, un moteur de recherche analogique, basé sur une cryptosémiologie à entrée ambivalente. Legoff était venu me voir alors que je déballais un colis.
- J'ai appris que vous aviez jadis fréquenté les milieux conspirationnistes
- C'est Da Silva qui vous a dit ça ?
- Bien sûr. Nous parlons beaucoup de vous, vous savez.
- Tout ça c'est fini.
- Mais vous avez bien encore quelques connaissances dans ce domaine ?
- Ca dépend...
- Voyez-vous mon  cher Jack... je peux vous appeler Jack ?
- Si vous voulez.
- Et bien voyez-vous, je voudrais toucher le milieu conspirationniste. Ces gens-là sont les derniers à lire un tant soit peu. J'avais pensé les aider dans leur quête. Ce que je voudrais, c'est que vous me concoctiez un outil de recherche informatique qui permette à mes clients, par rapport à un sujet qui leur tient à coeur, de savoir tout ce que j'ai en magasin.
- Une recherche par mots clés en quelque sorte.
- Quelque chose de plus pointu. Je voudrais non seulement une recherche par mots clés mais également par liens,disons, plus souterrains.
- Je vois...
Il sourit :
- Nous nous comprenons n'est-ce pas ?
- Mouais... Ca va être du travail. Il faut que je numérise tous vos titres et que je crée une base de donnée...
- Je vous arrête tout de suite mon vieux, je ne comprends rien à tout ce jargon. Faites ce que vous avez à faire. C'est dorénavant votre boulot.Vous pouvez laisser tomber la manutention.
Je repensai à la thèse de linguistique que j'avais soutenu jadis: " Du mot clé au sens caché- Essai de cryptosémiologie ". 
On ne pouvait pas dire mieux.



mardi 22 juillet 2014

4

J'avais fini par montrer Les Conversations à qui de droit.  Le libraire n'avait pas semblé surpris.  Il avait saisi l'ouvrage avec précaution et  avait examiné attentivement la couverture de cuir rouge :
- Alors vous connaissez André ?
- Le taxidermiste? Oui, je l'ai rencontré.
Merde ! Bien sûr que j'avais connu  Legoff.  L'ancien libraire dont m'avait parlé mon employeur, fut jadis presque un ami. Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt. L'effet des fameuses pilules de Staboulov ?
Je décidai de jouer au chat et à la souris :
- Pourquoi me demandez-vous ça ?
- Voyez-vous, cette couverture a été faite par Legoff, ça ne fait aucun doute. Du cuir de russie..
Il eut un petit rire
-... du Kremlin-Bicêtre sans doute. Le titre a été gravé à la main. Les caractères gothiques sont très difficiles à exécuter sur du cuir. C'est du très beau travail .
Il le feuilleta. 
- Cela ressemble à un des ces luxueux livres d'or dont on se serait servi comme cahier d'écriture. Conversations entre gens de bonne compagnie... Le titre est bien trouvé...L'écriture est belle. C'est un manuscrit original ?
- Oui. Il m'a été donné par l'auteur en personne. Un américain : Jack Rimasky.
- Connais pas
- Vous ne connaissez pas Jack Rimasky ?
- Non. Enfin je ne connais pas d'autre Jack Rimasky que vous.
- Moi ?
Le libraire me regarda, se demandant apparemment si je ne me moquais pas de lui. Il me rendit le cahier.
- Et bien prenez en soin ! On ne sait jamais, si votre Monsieur Rimasky devenait célèbre, peut-être ce manuscrit pourrait prendre de la valeur.
Il m'observait à présent avec inquiétude.
-  Vous devriez vous méfier des petites pilules du professeur Staboulov. Raoul m'en a parlé.
Staboulov. Ici comme ailleurs, il semblait avoir le mauvais rôle. Mais qui était le metteur en scène?

vendredi 11 juillet 2014

3

Je travaillais à la librairie Legoff depuis une semaine. Ce jour-là, le libraire s'était laissé aller à quelques confidences
- Il faut que je vous avoue quelque chose mon petit. Je ne suis pas Legoff. Ou plutôt, je m'appelle bien André Legoff mais je ne suis pas le André Legoff de la librairie Legoff achat vente expertise. Ceci dit je le connaissais bien. Nous partagions la même passion. La taxidermie. Moi j'étais un amateur mais lui, voyez-vous, c'était une pointure. Puis il s'est reconverti. Dans les livres anciens. Il y a quelques années, je ne sais pas pourquoi, il a proposé de me céder son fond en gérance. Et il a disparu. Je n'ai plus  aucune nouvelle. Je me contente de virer le loyer de la gérance sur un compte ouvert au nom de Davidyenko. C'est le nom de sa mère je crois...
Il hésita un instant puis ajouta :

- De toute façon, je ne lui verse pratiquement  rien. Il a eu l'amabilité d'indexer le loyer sur les bénéfices et comme vous l'avez remarqué, je n'ai pour ainsi dire aucun client.

Bien sûr j'avais remarqué, et aussi cette façon qu'avait le libraire de paraitre toujours affairé. Comme pour donner le change. Mais à qui ?

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La librairie Legoff était devenu du jour au lendemain un repaire pour tous les amateurs d'altervérité. Mon moteur de recherche y était-i...